Homme peignant un mur

La sacherie parisienne : le nouveau sac porte-bouteilles… fabriqué en prison !

Paru le 16 juin 2021

La sacherie parisienne est une toute jeune entreprise, fondée en 2020 par deux étudiants dès leur sortie d’école de commerce. Mais pour cette entreprise comme pour certains individus, la valeur n’attend pas le nombre des années : les fondateurs de l’entreprise ont choisi dès le début de mettre l’engagement sociétal au cœur du projet, de produire en France… et même de produire en prison ! Elle est la dernière entreprise à ce jour à avoir reçu le label PeP.s : produit en prison.s, le label délivré par l’ATIGIP qui valorise le travail pénitentiaire réalisé dans des conditions inclusives et responsables.

A la base de ce projet original, un constat naturel

Le sac réutilisable est petit à petit devenu une norme pour le transport des biens alimentaires des particuliers, mais celui des liquides (bouteilles, cannettes) s’effectue presque toujours dans des contenants jetables (pack en carton, films plastiques). Dommage ! Constant Douvreleur et son associé ont eu l’idée d’un sac robuste et élégant, permettant de transporter facilement ses bouteilles du point de vente au point de consommation ou au point de recyclage.

D’abord conçu pour le marché de la bière artisanale, le sac permet de transporter d’autres types de boissons et de contenants (bouteilles de 33 cl, canettes, miels, thés, tisanes, confitures, petits pots de fleurs), le compartimentage du sac est propice à de nombreuses utilisations. Les sacs produits (un millier en 2020) sont vendus directement sur le site Internet (www.la-sacherie-parisienne.com) ou bien via les cavistes partenaires.

>> Découvrez le dossier de présentation de la Sacherie Parisienne

Apporter du travail en prison, une évidence

Même s’il n’avait jamais côtoyé directement la prison, Constant Douvreleur, l’un des fondateurs, avait une conviction : « le travail est une clé essentielle pour la réinsertion des détenus. Notre société est construite autour du travail, c’est lui qui donne un statut, un projet, une histoire. En prison, quand on ne fait rien, c’est difficile d’avoir confiance en soi ».

Alors quand il s’agit de trouver un lieu de production pour produire la première gamme de sacs, Constant n’hésite pas et contacte l’établissement pénitentiaire le plus proche : la maison centrale de Poissy. « Trouver le bon contact, la bonne personne pour répondre à nos questions n’a pas été simple*, mais une fois que nous avons été en relation avec les bonnes personnes, l’administration a été très aidante ! ». En effet, Isabelle Lorentz, directrice en charge du travail à la maison centrale de Poissy et Erwan Seilhan, responsable du travail pénitentiaire à la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP de Paris), accompagnent les démarches de la Sacherie Parisienne.

« Il est difficile de trouver des entreprises qui souhaitent mettre en place des ateliers de concession au sein des établissements pénitentiaires car le travail en prison est mal connu et les préjugés sont nombreux », partage Isabelle Lorentz, qui gère le travail pénitentiaire à la maison centrale de Poissy ? « La Sacherie Parisienne et la Maison Centrale de Poissy c’est une belle rencontre, leur fraîcheur, leur dynamisme m’ont touchée. Lorsqu’on rencontre des personnes comme Constant et ses associés, qui ont envie de collaborer avec nous et de créer une réelle relation de travail avec le détenu, on met tout en œuvre pour les accueillir. Ces activités de production permettent de créer de l’emploi au sein de la structure mais surtout, et c‘est le plus important, un emploi respectueux de la personne détenue en tant que travailleur. »

En quelques semaines, l’équipe de la Sacherie a pu visiter les ateliers Poissy, où sont déjà implantés d’autres entreprises labellisées (Hesion, Wattelez, La pinata). L’espace correspond pour installer ses machines encore modestes (une petite machine de découpe thermique, la machine à sérigraphier…), l’administration a même mis à disposition une grande cuve de séchage ! L’entreprise choisit de recruter son premier opérateur. L’établissement propose 5 candidatures, Constant reçoit tous les candidats en entretien et communique à l’établissement son classement. L’établissement choisit de retenir son premier choix, c’est donc Adama qui sera le premier opérateur de la Sacherie Parisienne.

« Le travail en prison nous permet de nous évader un peu de nos cellules, de sortir du quotidien, d’apprendre de nouvelles choses et de faire un peu d’argent. Au lieu de rester 24h sur 24 dans notre cellule, on rencontre de nouvelles personnes, on prend sur nous-même, on avance dans notre insertion », témoigne le nouvel équipier de la Sacherie Parisienne.

« On est venus en prison pour s’inscrire dans la durée »

Aujourd’hui, la production est encore modeste : un millier de sacs en 2020 et ne permet de donner dutravail qu’à un opérateur. D’ailleurs, Constant et Adama partagent de nombreuses journées de travail : Adama fait la découpe et l’assemblage (une fabrication sans couture, avec rivets et lanières) pendant que Constant fait la sérigraphie des logos personnalisés, sur chaque sac.

Mais le carnet de commande s’allonge avec la venue de l’été, et l’entreprise espère pouvoir augmenter sa production. Pas question pour autant de laisser tomber le travail pénitentiaire, l’objectif est de pouvoir s’installer dans la durée à la maison centrale de Poissy et d’y employer davantage de personnes. « Dans l’idéal, on aimerait qu’Adama puisse devenir contremaître d’atelier et encadrer les futures équipes de production. Evidemment, on ne peut lui faire aucune promesse car on ne connaît pas la suite, mais il sera libérable dans quelques mois et ce serait génial qu’il puisse revenir en prison pour apprendre le métier aux prochains opérateurs. »

« Le label, c’est la brique qui manquait pour encourager le travail en prison »

Quand il parle autour de lui de son atelier de production un peu inhabituel, Constant constate des réactions variées. Certains sont favorables à l’objectif de réinsertion du travail pénitentiaire, quand d’autres lui demandent si ce n’est pas de l’exploitation.

En tout cas, pas question pour la Sacherie Parisienne de taire son implication en prison. La jeune entreprise est fière de produire en France et en détention, fière de sa labellisation, et n’hésite pas à communiquer dessus ! « On a mis le doigt dedans sans trop savoir comment, mais c’est une aventure qu’on ne regrette pas », conclue Constant.